PROLOGUE

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LIVRET : 7€

Photos de Matthew Pearce

RANDONNÉE

Aline remit en place sa bouteille d’eau à l’intérieur de son sac à dos et tira sur le zip pour le refermer. En rabattant la poche supérieure, elle observa le ciel.

Une vaste coupole d’un bleu givré, sans un nuage, sur laquelle glissait une boule de lumière. Un voile la recouvrait et permettait d’admirer sa splendeur quelques secondes sans risquer de se brûler les rétines. La météo ne leur poserait pas de problème. Certes, il faisait froid, pas loin du zéro, mais elles avaient prévu de quoi se prémunir contre les températures hivernales et profiter pleinement de cette randonnée.

Comme de coutume, Marie était en retard.

Aline ne s’en formalisa pas, habituée, et s’assit sur le rebord de la fontaine communale dont la vasque de pierre avait été vidée de son eau en cette saison.

Le village semblait endormi, la route comme artère principale que bordaient une belle église entretenue et quelques maisons anciennes. Autour, la campagne à perte de vue, sans âme qui vive à l’exception de quelques ovins qui profitaient de l’herbe sauvage qui s’échinait à résister au froid.

Aline aimait ces petites communes auvergnates pittoresques et admirait les habitants qui y vivaient à l’écart de l’agitation des grandes agglomérations, envers et contre tout, tels les ultimes gardiens du bastion de la vie rurale.

Elle tourna la tête, guettant l’arrivée de sa comparse. Mais la silhouette qui se détacha au bout de la rue et qui s’avançait vers elle ne lui ressemblait en rien. Trapue, les épaules larges et le torse engoncé dans une veste informe et épaisse, le pas était trop lourd et trop déterminé pour être celui de son amie. Il s’agissait d’un homme qui tenait dans son poing droit un bâton de marche qui n’avait rien de commun avec ceux qu’on leur vendait dans les magasins de sport. Celui-ci était en bois véritable.

À sa hauteur, il lui sourit et lui tendit la main.

− Paul, se présenta-t-il. Je vous ai fait attendre, toutes mes excuses.

Aline lui rendit son bonjour et se pressa de le détromper.

− Pas de souci, mon amie n’est pas encore là. J’espère juste qu’elle a bien compris le lieu de rendez-vous…

Par réflexe, elle jeta un œil sur la route qui l’avait amenée jusque-là, priant pour voir débouler en trombe la petite Twingo bleue de Marie.

L’homme hocha la tête, tranquillement, comme si le temps n’avait aucune importance. Il en avait suffisamment à sa disposition pour ne pas s’offusquer d’en perdre un peu. Aline préféra meubler la conversation pour patienter.

− C’est très gentil à vous de nous servir de guide. On ne vient en Auvergne que pour les vacances, on ne connaît pas beaucoup le coin. On nous a dit que la balade valait vraiment le coup !

Paul hocha la tête.

− C’est très joli, oui. Il faut quand même être bon marcheur et être bien équipé. Le chemin longe les champs et passe dans les sous-bois en direction de la Truyère, puis il grimpe sévèrement avant de revenir sur la falaise. Là, il faut des chaussures adaptées, parce qu’il n’est pas large quand il suit l’escarpement jusqu’au promontoire.

Aline avait tout ce qu’il fallait. Elle et Marie étaient des habituées de la randonnée depuis qu’elles étaient à la retraite. C’était son amie qui avait posé son dévolu sur ce parcours-ci dont plusieurs connaissances lui avaient vanté les beautés. On lui avait donné les coordonnées de Paul, résidant du coin, qui connaissait les alentours comme sa poche et pourrait assurer leur sécurité dans le passage des gorges.

Le bruit d’un moteur brisa le silence environnant et la citadine de Marie fit enfin son apparition. Elle se gara à quelques pas de ses compagnons, sur le petit parking près de la statue commémorative aux enfants de la commune morts pendant la guerre.

− Bonjour, lança-t-elle à la cantonade, rayonnante. Navrée pour le retard, je me suis trompée de voie au croisement. Le temps que je trouve mon portable, que je le branche au chargeur, et que j’interroge mon GPS…

Tout en parlant, elle ouvrit le coffre de sa voiture pour en tirer son sac de randonnée. Elle offrit un rapide aperçu sur le maelstrom qui encombrait l’espace avant de claquer la lunette arrière pour le refermer.

− … et forcément, ça ne passait pas ! Y’a pas de réseau ici ou quoi ?

Personne ne prit la peine de lui répondre, mais cela ne l’arrêta pas pour autant.

− Enfin j’ai fini par tomber sur un rond-point et je me suis fiée aux panneaux indicateurs. Je ne sais pas comment j’ai fait… je suis là !

Son sourire large et chaleureux balaya les remontrances qu’Aline avait sur le bout de la langue. Paul qui avait écouté avec flegme hocha brièvement la tête. D’un œil avisé, il inspecta son équipement et constata qu’elle était aussi bien préparée que son amie. Au moins il n’aurait pas à parer de négligence de ce côté-là.

− On y va ? demanda-t-il par politesse.

Elles acquiescèrent et le petit groupe se mit en marche.


(La suite dans « Prologue »)

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